Rencontre avec Chimène Seymen
Alors que l’intégration de la Turquie à l’Union Européenne suscite le débat depuis 1978, année de sa candidature, le dialogue culturel, entre ce pays situé au carrefour entre l’Europe et de l’Orient, et la France n’a pas attendu de décision diplomatique !
Ce dimanche 4 août, à 17 h , l’abbatiale de Sylvanès accueille une rencontre polyphonique France Turquie, impulsée par Chimène Seymen, musicologue, professeure et soprano née à Izmir et de nationalité turque. Elle œuvre depuis 2003 pour des rencontres musicales entre la France et la Turquie. Ses projets ont été soutenus par Cultures France, le Mécénat Société Générale en France, et les Instituts Français d’Istanbul, d’Izmir et d’Ankara et ont été réalisés au sein des plus prestigieux festivals et théâtres des deux pays. Pour l’ensemble de ses projets de dialogue culturel, Chimène Seymen a reçu l’insigne de Chevalier dans l’Ordre des Arts et Lettres.
Le Chœur national Polyphonique d’Ankara et l’ensemble Sagittarius joignent leurs voix et accompagnent la soprano Chimène Seymen et le pianiste Güray Basol pour un programme des chants populaires de Turquie et des Chants Polyphoniques de France d’inspiration populaire…
Partons à la rencontre de cette artiste éprise d’Histoire et de partage :
- Quel fut votre premier contact avec la France ?
La vie parisienne, non pas celle de Monsieur Offenbach, mais d’une étudiante d’Izmir, qui découvre l’architecture, les musées, les concerts. J’ai appris à écouter la musique de l’Occident grâce à mon professeur d’analyse musicale, Eveline Andreani.
- Le dialogue musical des cultures turque et française est concomitant à la déclaration de la République Turque en 1923. Faire connaître la musique polyphonique occidentale à toute la population faisait partie des réformes entreprises par Atatürk. Votre projet se trouve-t-il en quelque sorte, dans sa continuité ?
D’une certaine manière, oui, mais cette fois, c’est pour faire connaître, ou rappeler, ce fait aux « occidentaux ». Le concert que nous avons présenté à Izmir, était effectivement pour rappeler ce fait en Turquie et par conséquent, dans la continuité de ce mouvement.
- Indépendamment des raisons historiques de ce dialogue, y a-t-il des raisons plus intuitives qui vous ont poussées à vous intéresser à la France ?
Bien sûr, mon amour pour la musique française et plus !
- En art, lorsque l’on évoque une inspiration par des éléments de culture des pays dits « orientaux », on parle d’Orientalisme. L’écrivain palestinien Edward Saïd adopte un point de vue critique sur cette démarche venue d’artistes occidentaux car elle colporte selon lui une image réductrice et fantasmée d’un espace condensé par un concept, celui d’un « Orient » défini par l’Occident. Le Musée Marmottant a d’ailleurs accueilli jusqu’au 21 juillet l’exposition « L’Orient des peintres, du fantasme de l’odalisque à l’abstraction. » C’est un thème qui intéresse l’actualité artistique ! Votre démarche est celle d’une « orientale » qui s’inspire de l’Occident, tout en proposant des compositeurs orientalistes ! Que pouvez-vous nous en dire ?
En effet « l’Orientalisme » en tant qu’idée artistique est une inspiration pour les compositeurs français, entre autres. Je pense que son expression dans l’art a évolué avec les idées et les exigences artistiques de chaque époque – du moyen âge à nos jours.
Je vis et suis intégrée dans la vie professionnelle en France depuis de nombreuses années. J’observe la Turquie depuis la France, avec mes connaissances et ma propre expérience de mon pays natal. Je peux donc proposer un autre regard. Faire des projets comparatifs est un bon terrain de réflexion avant de peindre le tableau musical d’un pays.
- Tous les artistes qui se rendent à l’Abbaye de Sylvanès parlent d’une atmosphère propice au recueillement, à la création artistique… Les lieux seraient chargés d’ondes spirituelles. Depuis 2015, notre établissement est labellisé centre culturel de rencontre européen. Nous avons pour vocation le partage et l’ouverture au monde… Nous concrétisons ces objectifs en vous accueillant ! Quel fut le critère qui vous motiva à venir à nous ?
Je suis venue à L’Abbaye de Sylvanès pour participer à un atelier d’interprétation des pièces vocales de H. Schutz, sous la direction de Michel Laplenie. Les ondes spirituelles que vous évoquez, et le sentiment de bonheur humain et musical sont restés dans ma mémoire. Après tant d’années, quand j’ai entrepris de créer ce projet en France, l’Abbaye de Sylvanès est tout naturellement apparue dans mon esprit… J’avais envie de retrouver le bonheur de partager qui émane de ses murs.
Propos recueillis par Casey Crouard, stagiaire au service communication