Thomas Pouget en résidence à Sylvanès

Cinq questions à Thomas Pouget, artiste en résidence à l’Abbaye de Sylvanès

Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Je m’appelle Thomas Pouget, je suis metteur en scène et comédien. Je dirige en Lozère une compagnie professionnelle de théâtre qui s’appelle La Joie Errante. Nous créons des spectacles sur des thématiques variées (agriculture, passage de l’enfance à l’adolescence, classes moyennes, …) et d’autre part, nous menons des actions de territoire (résidences, stages, lectures, création de festival) avec un objectif commun : s’émouvoir et réfléchir ensemble autour de questions universelles. 

En janvier 2024, tu as débuté une résidence de territoire à l’abbaye de Sylvanès, en quoi consiste-t-elle ?
Cette résidence, c’est l’occasion de rencontrer les habitants qui font le paysage local, en partant du principe que tout le monde a une histoire à raconter et qu’il y a systématiquement de la complexité dans chacune. Au fur et à mesure de ces rencontres, il y a un puzzle qui se complète, un tableau qui se dessine sur ce qu’est le territoire, et sur les gens qui y habitent. Des thématiques se dégagent, des perceptions tantôt semblables, tantôt contradictoires et l’objectif final étant que les gens du pays s’emparent de ces témoignages qui m’ont été confiés afin de révéler un portrait de leur village.
En somme, on crée une matière théâtrale à partir de témoignages, interviews, anecdotes, tout comme on a l’habitude de le faire pour nos spectacles. Mais que les futurs participants se rassurent, pas forcément besoin d’apprendre du texte ou d’avoir fait du théâtre pour faire partie de la restitution finale.

 

Le 17 mars prochain, tu invites le public local à une lecture publique à l’abbaye. Peux-tu nous en dire plus sur cette rencontre?
Les lectures, elles sont à mon sens indispensables dans une démarche de résidence territoriale. Souvent considérées comme le parent pauvre du théâtre, elles sont plus qu’une simple lecture. Elles sont vivantes. C’est l’occasion de découvrir des auteurs sur des thématiques, et notamment pour cet événement du 17, des auteurs qui ont écrit sur la campagne. Celle d’hier et celle d’aujourd’hui.
Aussi, les spectateurs pourront entendre par exemple du Daudet avec Les lettres de mon Moulin, des Fables de la Fontaine et d’autres surprises. C’est partir à la rencontre d’écritures différentes, mais autour d’un sujet commun.

Ta compagnie de théâtre s’appelle la Joie Errante : pourquoi ce nom et qu’est-ce qu’il symbolise pour toi ?
C’est toujours assez délicat de choisir le nom d’une compagnie et ça serait intéressant de savoir ce que ce nom évoque chez les spectateurs. Pour ma part, ce nom est à la fois un mantra, et une conviction. Ne jamais oublier la Joie qui nous anime, qui nous pousse à savourer ce que nous faisons, et faire en sorte qu’elle puisse être partout.

La lecture de ta pièce « Vacarmes » est elle toujours prévue au prochain Salon de l’agriculture ? Si oui, avec quel état d’esprit vas tu t’y rendre ?
Elle l’est toujours. Le 25 et 26 février, à 11 h, sur le stand d’Eliance et celui du département de la Lozère. Avec tout ce qui se passe actuellement, ça va être très intéressant d’y être. Cela fait un moment qu’à l’issue des représentations, on entend des spectateurs nous dire  » vous devriez aller le jouer au salon votre spectacle « , cette fois, c’est pour de bon  !
J’ai envie de penser que ça n’est que le début, que d’y aller n’est qu’un prémisse à quelque chose de plus grand. Donc oui, j’y vais avec une envie certaine d’en démordre et la certitude que ce texte doit être entendu, par tous et toutes, sur ce que c’est que d’être paysan. 

 

Thomas Pouget reviendra en résidence à Sylvanès du 28 avril au 3 mai et en novembre 2024.

Lecture publique le 17 mars à 16h dans le scriptorium de l’abbaye – participation libre 

 

 

Pierre Vallet : de New-York à Sylvanès

Le pianiste et chef d’orchestre Pierre Vallet est un invité régulier des plus grandes maisons d’opéra, comme le MET Opéra de New-York ou encore The Juilliard Scholl of music. Depuis déjà trois saisons, il rejoint l’abbaye pour co-animer avec Michel Wolkowitsky une classe de maître à destination de chanteurs professionnels. Rencontre…

Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a amené à enseigner à Sylvanès ?
Le hasard d’une rencontre. Pour la petite histoire, Michel Wolkowitsky et moi avons étudié avec le même professeur de chant à Paris il y bien des années. Par l’entremise d’une amie commune, nous nous sommes retrouvés en 2021 et Michel m’a invité à encadrer une première classe de maître avec lui.

Que vous inspire ce lieu de travail ?
Le lieu est magique. Je suis tombé en extase devant cette abbaye.
Ma collaboration avec Michel est une parfaite osmose. Je m’aligne complètement avec son enseignement de la voix et nous nous complétons sur un plan artistique.

Que souhaitez-vous transmettre en priorité à un(e) jeune artiste lyrique lors de vos masterclass? 
Le courage d’une interprétation authentique tout en s’inspirant de tous les paramètres musicaux. Je travaille sur la scène internationale et je peux communiquer à ces artistes ce que l’on attend d’eux professionnellement.

Au cours de votre carrière musicale, quelle est la rencontre qui vous a le plus marqué ?
Ma collaboration avec Seiji Ozawa. Nous avons travaillé ensemble sur 49 productions d’opéras dans le monde entier. Il a transformé mon approche de la musique et m’a donné les bases fondamentales de la direction d’orchestre.

Quelle partition emmèneriez-vous sur une île déserte ?
Difficile de répondre à cette question. Mais ce que me vient maintenant c’est l’Eroica de Beethoven.

Site internet de l’artiste  : https://www.pierrevallet.net/

 

Témoignages de stagiaires
Au sein de cette classe de maître, je trouve l’exigence et la précision alliées à la bienveillance. La pédagogie de Michel est parfaitement complétée par l’expérience apportée par Pierre, notamment au niveau de l’interprétation. Pierre a beau côtoyer les plus grands chanteurs, il sait apporter à chacun sa singularité, sans distinction ! Cécile Veyrat

Dans ce lieu magique et ressourçant, j’ai pu bénéficier pleinement des compétences de Pierre et Michel dans le répertoire et la technique vocale. Par leur expérience et leur partage, j’ai pu approfondir mes compétences et ma maîtrise vocale. Jean-Christophe Fillol

J’ai eu la chance de participer à cette formidable masterclass. Leur dynamisme, leur exigence et leur extrême bienveillance ont été un réel vecteur de progression pour moi. Je recommande absolument ! Emmanuelle Demuyter

L’artiste Wang Yong en résidence à l’abbaye

Dans le cadre d’une résidence artistique coordonnée par l’ACCR, l’abbaye accueille depuis le 28 août Wang Yong, un artiste peintre chinois de 31 ans. Jusqu’au 4 septembre, il profite de cette résidence pour explorer l’intime, à partir de ses rêves et de ses émotions, dans un cadre très différent de celui qu’il a connu jusqu’à présent, en se confrontant à des paysages nouveaux et aux sites historiques occidentaux anciens des Centres culturels de rencontre français. Il a échangé avec nous sur son séjour à Sylvanès.

Peux-tu te présenter et nous parler de ton projet artistique ici à l’abbaye ?
W : Je m’appelle Wang Yong, j’ai 31 ans et je suis peintre. Je suis devenu fasciné par la peinture à l’âge de 7 ans lorsque j’ai découvert l’illustration du roman « au bord de l’eau », l’un des quatre plus célèbres romans classiques chinois. En copiant ces dessins j’ai pu développer mes premières techniques de peinture. Ensuite au collège j’ai intégré une formation périscolaire du dessin et de la gouache, où j’ai pu explorer des nouveaux sujets. En 2010, j’ai été admis à l’Institut d’art de Nanjing, où j’ai commencé des formations professionnelles sur la gravure et la peinture à l’huile, et j’ai choisi la peinture en cuivre comme domaine d’art principal. Ici j’ai utilisé de la peinture acrylique pour créer un paysage de Camarès. La raison pour laquelle j’utilise autant de rose est que cette petite ville du sud de la France me donne une telle impression, tant les gens que le paysage sont beaux et charmants.

Comment pourrais-tu décrire ton art en quelques mots ?
W : Mon concept artistique est ma vie, je veux sentir ma vie, enregistrer la vie, j’aime dessiner les scènes intéressantes et belles de la vie, parce que je veux atteindre l’objectif de capturer la beauté, ce qui me pousse à chercher la beauté au quotidien. D’autre part, j’aime beaucoup la création imaginative, où des scènes imaginaires sont combinées à la réalité pour créer des images intéressantes et narratives, qui sont généralement exprimées dans mes gravures.

Qu’est ce qui t’as amené à Sylvanès ?
W : J’ai participé au programme de résidence artistique de l’ACCR il y a trois ans. Lorsque je travaillais, j’étais membre de l’ACCR en Chine. Bien que le processus ait été très compliqué (à cause de la pandémie), nous n’avons pas abandonné, le destin m’a permis d’être ici aujourd’hui, et j’en suis très reconnaissant.

Comment se passe ton séjour ici, quelles sont tes impressions de l’abbaye ?
W : J’aime beaucoup cet endroit, en pleine nature, plein d’histoire et d’art, j’aime aussi la nourriture, je suis très heureux d’être venu à Sylvanès, où le calme me permet d’être plus créatif et de mieux réfléchir.
Je trouve l’abbaye très sacrée, le sens de l’histoire apporté par le bâtiment en pierre est solennel, et lorsque je pénètre dans le vieux bâtiment, c’est effectivement très solennel. Mais cela ne me dérange pas, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que les gens ici sont détendus, dans le scriptorium, de jeunes chanteurs pratiquent le chant lyrique,
le soleil brille à travers les fenêtres voûtées, j’ai commencé à imaginer des moines en train de créer des chants.

As-tu eu l’occasion d’assister à quelques concerts, écouter de la musique ?
W : C’est la première fois que je visite une abbaye, j’ai vu de nombreux musiciens s’exercer au chant, et j’ai pensé que ce devait être une expérience sacrée et merveilleuse que d’assister à un concert classique dans une vieille abbaye fondée au 12e siècle.

As-tu fait de belles rencontres ?
W : Bien que mon séjour en France soit court, j’ai rencontré beaucoup de personnes et de choses intéressantes. Je vais vous raconter ma plus belle rencontre. L’autre jour, je me promenais dans la petite ville de Camarès, prenant des photos en marchant, lorsqu’une porte s’est ouverte dans la rue, un homme est sorti et m’a demandé ce que je faisais. Puis il m’a invité à prendre des photos sur le balcon où la vue était si belle, pour être honnête, j’ai commencé à avoir un peu peur, et j’ai réfléchi un moment, mais je l’ai quand même suivi jusqu’au balcon. J’ai effectivement eu une vue magnifique, puis il m’a invité à prendre un café, et j’ai appris que ce n’était pas sa maison, c’était un décorateur d’une autre ville qui travaillait ici pour une semaine. Nous avons parlé de beaucoup de choses, de la vie, l’idéal, le mariage et ainsi de suite. Comme mon anglais était médiocre et que le sien était encore pire, nous avons utilisé un logiciel de traduction pour communiquer. Cela n’aurait jamais pu m’arriver en Chine.

 

Propos recueillis par Loane, stagiaire au service communication

Retours d’expérience de stagiaires en chant traditionnel et corse

Du 16 au 19 juillet, se sont déroulés à l’abbaye les stages de chant « Polyphonies traditionnelles » et « Polyphonies corses », encadrés respectivement par Pascal Caumont, chanteur, collecteur et professeur au Conservatoire Régional de Toulouse, et Nadine Rossello, chanteuse et musicienne. L’occasion pour les participants de découvrir ou approfondir les chants occitans et corses.

Le jour de la restitution du stage de polyphonies traditionnelles, Swan et Floriane nous font par de leurs ressentis lors d’une interview :

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
F : « Je m’appelle Floriane, je suis dans la fin de la trentaine comme disent les Anglais. J’habite à Sète et c’est la première fois que je viens faire un stage de chant à Sylvanès. »
S : « Je m’appelle Swan, j’ai la mi-trentaine, je suis psychothérapeute et je travaille dans un institut qui s’appelle « Institut des arts dévotionnels », basé en Espagne, dans lequel on organise diverses retraites et résidences, dont une qui pourrait peut-être partiellement se dérouler ici. Donc je suis venu à la fois pour le stage, rencontrer Pascal et découvrir le chant occitan, mais aussi à la fois pour découvrir le lieu et rencontrer Michel Wolkowitsky ».

Où avez-vous-tu entendu parler de ce stage ?
F : « D’abord j’ai cherché sur internet un stage de chant pour cet été et de fil en aiguille je suis tombée sur le site de l’abbaye. J’ai une amie qui est déjà venue ici et qui m’avait recommandé cet endroit. »

Quel est votre ressenti par rapport à l’abbaye ?
S : « Je pensais que c’était plus grand, qu’il y aurait plus de bâtiments, mais sinon je trouve qu’il y a eu de belles rénovations. Je loge dans le dortoir, je le trouve chouette ! »
F : « Moi j’ai eu des belles sensations quand on a chanté dans la salle capitulaire et dans l’abbatiale, j’ai eu des frissons, il y a une très belle résonance. C’est quand même un endroit dans lequel on se sent bien. »

Et en ce qui concerne les rencontres que vous avez pu faire ici pendant le stage, avec les autres stagiaires, les formateurs, le personnel ?
S : « Très accueillants, chaleureux. »
F : «  Beaucoup de positif ! »
S : « J’ai apprécié qu’on prenne en compte l’histoire du lieu, et la vie spirituelle qu’il y a pu y avoir, et comment on a continué d’une manière ou d’une autre à la faire vivre. C’était aussi intéressant d’en apprendre plus sur André Gouzes, et le fait qu’il y a encore des offices ici, même s’il y en a moins qu’avant d’après ce que j’ai pu comprendre. On voit qu’il y a une encore vie spirituelle ici et que ce n’est pas seulement un bel édifice qu’on utilise comme lieu purement culturel. »

Le fait que les visiteurs circulent dans l’abbaye durant le stage…
S : « Ça ne m’a pas dérangé. On voit qu’il y a des personnes qui visitent l’abbaye comme un lieu purement culturel, d’autres que je vois s’agenouiller devant l’eau bénite à l’entrée, c’était intéressant de voir tout ça. »

Votre ressenti par rapport au formateur Pascal Caumont ?
S : « Excellent, expert en son domaine mais aussi très abordable, une connaissance autant technique que théorique, de belles histoires à raconter, on le sent ancré dans sa région. »
F : « Génial, on l’écoute des heures durant et on ne s’ennuie pas ».

Vous connaissiez déjà les chants occitans ?
F : « Oui, moi je chante des chants occitans autour de chez moi, et là c’était le côté chant pyrénéen qui m’intéressait, et effectivement c’est une plongée dans l’histoire des vallées pyrénéennes, Pascal a plein d’anecdotes à raconter, une grande culture à ce sujet. »
S : « Moi je suis nomade mais je suis principalement en Espagne. Mon beau-père était de Cahors, il parlait un peu occitan donc j’ai un lien particulier avec cette région. C’est la première fois que je participe à un stage, j’en connaissais quelques-uns et je pratique d’autres polyphonies, surtout géorgiennes. »

Est-ce que ça vous a donné envie de faire d’autres stages, d’approfondir ?
F : « Moi oui, notamment le chant corse. Ma grand-mère est corse et quand je les entends chanter, j’ai l’impression qu’il y a tous mes ancêtres qui chantent aussi. Donc je pense que je reviendrai pour ce stage. »
S : « Énormément de stages m’interpellent, notamment les chants sacrés profanes, et j’espère pouvoir en donner également avec mon projet. »
F : « Quel stage tu donnerais alors ? »
S : « En gros ce serait un stage de chants interreligieux, participatif, avec une partie d’improvisation en langue cinétique, en hébreux, en amharique et en araméen. »

Le lendemain, Véronique et Laila nous font part de leurs ressentis avant la restitution du stage de chants Corses :

Est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots, nous dire ce que vous faites dans la vie ?
V : « Je viens de Marseille et je travaille avec des artistes que j’accompagne du point de vue administratif et sur la conception de projets. »
L : « J’habite à Tel Aviv, je suis franco-israélienne et je travaille avec la voix. J’apprends, j’enseigne et je crée avec la voix. »

Vous avez entendu parler de ce stage par quel biais ?
V : « Par une amie qui l’a fait l’année dernière et qui m’avait parlé de la formatrice en me disant qu’elle était vraiment exceptionnelle. Et puis ce cadre de l’abbaye est vraiment agréable. »

Vous connaissiez déjà Sylvanès ?
V : « Pas du tout, j’avais déjà chanté à l’abbaye Notre-Dame de Sénanque, à la Chaise-Dieu aussi et je trouve qu’il y a une atmosphère vraiment propice à ça, ce sont des lieux qui ont été construits pour ça, donc travailler la voix dans ce cadre là est vraiment intéressant. »

Vous avez pu chanter dans le scriptorium, salle capitulaire et l’abbatiale, quelle était votre expérience dans chacune de ces pièces ?
L : « On a travaillé essentiellement dans le scriptorium, un peu aussi dans la salle capitulaire. »
V : « Ce sont des expériences complètement différentes, donc on travaille de trois façons différentes. »

Comment vous sentez-vous avant la restitution de toute à l’heure, prêtes ?
L : « D’un côté, on est toujours prêt avec ce qu’on a, on a reçu pas mal durant ces derniers jours. Puis en même temps on sent à quel point c’est un tout petit bout de travail, c’est passé vite et on a envie d’approfondir. Mais c’est déjà beaucoup. »
V : « Il y a aussi un vrai travail qui allie l’apprentissage du répertoire et la technique, au rapport au corps, ça c’était nouveau pour moi, car je trouvais que c’était assez peu abordé jusqu’à présent dans les autres stages que j’ai pu faire. »

Vous aviez déjà eu l’occasion de faire des stages de chant ?
V : « Oui j’ai déjà fait des stages de chants corses ».
L : « Moi je pratique beaucoup de types différents de polyphonies et de chants traditionnels, de façons d’approcher la voix, de pédagogies différentes. En fait je cherchais un lieu pour faire des résidences et c’est comme ça que j’ai trouvé sur internet l’abbaye. Ce qui m’a plu c’est que le programme est vraiment dans la direction qui m’intéresse. En fait j’ai jamais fait de stage de chants corses, je connaissais juste quelques chansons mais je n’avais jamais plongé dans ce répertoire et dans cette façon de faire, placer la voix, chercher le son commun du groupe, mettre en place les harmoniques.

Qu’est ce qu’il y a de particulier dans l’approche de Nadine pour ce stage ?
V : « Le fait qu’elle appuie beaucoup sur cette question de la résonance du corps et sur le placement de la voix, c’est vraiment un plus qu’elle amène, pare qu’il y a certains enseignements qui sont plus axés sur l’apprentissage des chants et d’un répertoire, ou le travail d’une messe en particulier. Là on est revenus sur les fondamentaux de la technique et je trouve ça vraiment intéressant. »
L : « Il y a aussi le fait de chanter juste ou de trouver l’harmonie entre les voix. Pour Nadine, tout est dans le placement, dans la façon d’ancrer la voix dans le corps et c’est là que l’ajustement des notes se met en place. Donc s’il faut réajuster un accord, c’est dans le corps que ça se passe, pas dans le fait de penser « plus haut, plus bas ». »

Vous êtes donc globalement satisfaites du déroulement de ce stage ?
L : « Oui, vraiment, c’est très très intéressant ! »
V : « On regrette qu’il n’y en ait qu’en été en fait ! »

Le fait que l’abbaye soit assez isolée géographiquement, ça n’a pas posé de problème ?
V : « Non, du moment qu’il y a toute l’infrastructure d’accueil, l’hébergement, la nourriture, travailler sur le long terme 4-5 jours comme ça c’est bien, c’est important car ça permet de rentrer dans la démarche. »
L : « C’est un challenge pour venir, pour celles qui n’ont pas de voiture. Mais le fait en soit que ce soit éloigné, au contraire, c’est chouette d’être déconnecté, proche de la forêt comme ça. »

Vous avez pu faire de belles rencontres cette semaine ?
V : « Il y a une même passion déjà à la base, il n’y a pas forcément les mêmes attentes ni les mêmes pratiques en amont mais on se retrouve sur cet amour du chant et de la voix, de ce travail de connexion par la voix. Donc ça crée tout de suite des accointances. Moi j’ai même retrouvé des gens que j’avais déjà rencontrés en Sardaigne dans un stage de chants corses aussi. En France je pense vraiment que ces formations autour des chants du monde ce sont beaucoup développées et du coup maintenant il y a une population qui tourne sur ces stages. »

D’autres stages que propose l’abbaye vous intéressent aussi potentiellement, en dehors des formations vocales, la géobiologie par exemple ?
V : « Alors ça voilà, j’ai découvert ça, je ne savais même pas que ça existait, du coup j’ai trouvé ça intéressant parce que c’est toujours une question de perception, c’est développer un rapport à l’espace, à l’architecture, c’est aussi intéressant que ce qu’on fait en chant, qui est de développer notre perception à l’autre. Donc pourquoi pas travailler là-dessus par curiosité. »

Un petit mot pour clôturer notre échange ?
V : « Je suis vraiment ravie d’être passée ici et de ce cadre, je suis vraiment touchée par l’atmosphère du lieu, le fait aussi d’entendre une chanteuse lyrique en ce moment-même, on sent que c’est un lieu dédié à la musique. »
L : « C’est chouette cette ambiance. Quand on passe quelques jours à chanter ensemble, forcément il se passe des choses, du point de vue émotionnel, spirituel, que ce soit présent de façon évidente ou pas c’est là quoi. »
V : « On a eu des jolis moments en dehors aussi, on s’est retrouvés sous le tilleul le soir à chanter, c’était chouette. »

Interviews réalisés par Loane, stagiaire au sein du service communication

Mohammad Reza Rahesh en résidence à l’abbaye

Dans le cadre d’une résidence artistique au travers du programme NORA coordonné par l’ACCR,  l’abbaye accueille depuis le 24 juillet Mohammad Reza Rahesh, musicien et chanteur afghan hazara qui a émigré en France. Jusqu’au 7 août, il travaille sur son projet de recherches ethnomusicologiques sur la musique hazara. Il a échangé avec nous sur son séjour à Sylvanès.

Tu peux te présenter et nous dire ce qui t’a amené à Sylvanès ?
R: « Je m’appelle Reza, j’ai 27 ans et je viens d’Afghanistan, de Kaboul plus précisément, mais je suis né à Bâmiyân, au centre de l’Afghanistan. Je suis en France depuis août 2021, quand les Talibans se sont installés dans le pays. Donc j’ai quitté l’Afghanistan dans des conditions très difficiles, j’ai pu être accueilli ici grâce à l’ambassade de France, comme tous les artistes dans mon cas. J’habite à Dijon depuis, j’étudie la langue française et je travaille avec un atelier à Paris, l’atelier des artistes en exil. L’année dernière, j’ai parlé avec le directeur de cet atelier, et j’ai proposé un projet dans lequel je voulais travailler sur le style de musique Hazara, une musique traditionnelle d’Afghanistan. Hazara *, c’est une nationalité en Afghanistan, alors que la nationalité afghane est imposée. Je suis moi-même Hazara. Mon projet a été accepté et je suis venu ici. »

Comment se passent tes journées à l’abbaye ?
R : « Je fais des répétitions, je joue du Damboura, un instrument de musique traditionnelle afghan. Je prends des cours de chant avec Michel Wolkowitsky, le directeur et nous préparons un concert qui sera donné ce jeudi 3 août à 14h30 à l’abbaye. Je choisis de faire découvrir cinq styles de musique traditionnelle de chaque région d’Afghanistan, puis je les adapte à ma façon. »

Tu as pu assister à des concerts du festival et des récitals, qu’en as-tu pensé ?
R : « Oui c’était génial, j’ai déjà pu assister à quelques concerts à l’opéra de Dijon, ça m’a beaucoup plu. J’ai pu rencontrer des musiciens et chanteurs ici, ils sont très professionnels et très doués. »

Une rencontre en particulier qui t’a marqué ?
R : « Oui, la professeur de piano Charlotte Bonneu et la professeur de chant Élène Golgevit, j’ai pu échanger avec elles pendant le stage de chant lyrique. »

Quels sont tes futurs projets ?
R : « Je vais me réinscrire à l’université de Dijon pour continuer d’apprendre le français, puis continuer des études de musicologie et m’inscrire au conservatoire. »

 

Propos recueillis par Loane, stagiaire au service communication

 

Mohammad Reza Rahesh ouvrira une fenêtre sur son univers artistique à l’occasion d’un petit concert public ce jeudi 3 août à 14h30 à l’abbaye. 

* Les Hazaras sont une des ethnies afghanes persanophones issues de diverses cultures d’Asie centrale. Le peuple Hazara subit des persécutions depuis des siècles et leur culture est interdite depuis le retour des Talibans.

Stage Interprétation & Technique vocale : Retour d’expérience

La semaine dernière, du 3 au 9 juillet, s’est déroulé à l’abbaye le stage de chant « Technique vocale & Interprétation », encadré par Frédéric Gindraux et Jean-Philippe Clerc au piano. L’occasion pour les huit jeunes participants de perfectionner leur art.

Chloé, 26 ans, nous fait part de son ressenti à propos du stage :
C : J’adore le lieu et les professeurs ! Je suis déjà venue faire ce stage il y a 2 ans, avec Frédéric et Jean-Philippe, avec qui j’avais pu également travailler lors d’un autre stage encore 2 ans auparavant. Donc je les suis et en plus j’adore le lieu, ça détend et on travaille les choses qu’on aime ! Des camarades de classe m’avaient parlé de ce stage, donc ça fonctionne beaucoup au bouche à oreille.

Tu fais des études de chant ?
C : Oui je suis au conservatoire de Toulouse depuis au moins 6 ans.

Quelles sont selon toi les qualités des professeurs ?
C : Ils sont très pédagogues, à l’écoute, toujours bienveillants, c’est impressionnant. À Toulouse il y a aussi de la bienveillance mais beaucoup de pression, donc quand on a des difficultés c’est pas toujours évident.

Et le répertoire proposé dans ce stage te plaît ?
C : Oui j’adore. De toute manière, chanter c’est pour moi une sorte de méditation, je suis accro !

Tu as pu rencontrer d’autres jeunes, comment ça se passe ?
C : Ce groupe est particulièrement très agréable, il y a une très bonne ambiance, on s’entend très bien, on se retrouve souvent tous ensemble en fin de journée pour aller boire un verre.

As-tu déjà conscience des progrès que tu as réalisés, ou que les professeurs ont mis en avant ?
C : Oui, grâce à la comparaison par rapport à mon stage d’il y a 2 ans, ils ont pu me dire que j’ai réussi à me centrer sur moi, dans le sens où j’arrive à gérer mes points faibles, ils ont remarqué la différence. Par exemple, j’écris au lieu d’enregistrer, car j’ai tendance à ne pas écouter jusqu’au bout ce qu’on me dit à cause de mon manque de concentration. Ils m’ont fait remarquer plein de petites choses avec bienveillance, alors que d’autres professeurs pourraient avoir tendance à me dire ce qui ne va pas au lieu de mettre en valeur les choses positives.

Et ton ressenti par rapport à l’audition publique de demain ?
C : J’ai hâte, j’aime trop la scène. Et puis c’est devant une petite audience, il n’y a pas de spécialistes devant lesquels on va se présenter, pas d’évaluation donc c’est pas trop stressant.

Les stagiaires ont pu montrer leurs progrès dimanche dernier à 17h au scriptorium devant un public très encourageant ! Bravo à eux, on espère les revoir bientôt à l’abbaye !

Jean-Marc Andrieu et Christopher Gibert présentent leur atelier d’été

Dans le cadre du 46e festival de Sylvanès, les amateurs avertis auront l’opportunité de participer à un atelier choral-production d’une semaine du 7 au 13 août. Dirigés par Jean-Marc Andrieu et Christopher Gibert, les participants auront l’occasion de travailler sur deux œuvres emblématiques : la Messe Assumpta est Maria de Charpentier et le Motet Cantate Domino de Campra. Les deux chefs d’orchestre nous ont révélé les détails de cet atelier lors d’une interview.

Jean-Marc, quelle est l’histoire derrière ce choix d’interpréter ce Motet de Campra, un morceau inédit ?
Au cours de mes recherches pour la production du programme de grands motets de Blanchard créé au Festival de Radio-France à Montpellier, j’ai consulté les manuscrits originaux de ces motets à la Bibliothèque Nationale. Quelle ne fut pas ma surprise d’y trouver un motet de Campra ! D’après mes recherches je pense qu’il doit être inédit, et j’ai attendu la meilleure occasion pour le créer : elle se présente à Sylvanès !

La Messe Assumpta est Maria, chef d’œuvre religieux du baroque français est qualifiée d’une des plus belles œuvres de Marc-Antoine Charpentier. Christopher, le confirmez-vous ? Avez-vous une référence discographique à conseiller ?
Oui c’est un monument de la musique française du Grand siècle. Je suis toujours fasciné par la puissance émotive et passionnée de l’écriture de Marc-Antoine Charpentier, c’est à la fois subtil, accessible et transcendant. Il y a de très belles versions de cette œuvre, mais la plus belle sera évidemment celle vécue lors du concert du 13 août ! 

Racontez-nous votre rencontre tous les 2, comment avez-vous été amenés à travailler ensemble ?
JMA : J’ai eu le grand plaisir de recruter Christopher comme professeur de chant choral et de direction de chœur au conservatoire de Montauban deux ans avant de prendre ma retraite : nous avons immédiatement sympathisé et j’ai vite compris que j’avais fait un recrutement exceptionnel.
CG : Et ce fut pour moi une grande joie d’être recruté à Montauban avec un projet musical exigeant et de qualité. Nous avons en effet tissé les liens étroits et nous nous sommes souvent retrouvés dans des échanges musicaux qui ont parachevé ce lien désormais artistique et amical.

Comment comptez vous aborder ce partage de la direction dans le cadre de cet atelier – production à Sylvanès ? 
JMA : Nous allons bien préparer ensemble ce stage en nous répartissant le travail ; un planning sera proposé aux stagiaires, qui alternera les séquences de pupitre, de tutti, de justesse, de prononciation, de phrasé, etc.
CG : J’ajouterai que c’est aussi un moment de musique partagé, où la pluralité des expériences des choristes est toujours enrichissant. C’est un travail « de troupe » durant une semaine qui va nous mener à un concert entourés de fabuleux professionnels instrumentistes et chanteurs.

Les stagiaires auront le privilège de travailler avec l’orchestre et les solistes des Passions, les choristes professionnels du chœur Dulci Jubilo et de chanter à leurs côtés pour le concert du 13 août (17 h en l’abbatiale de Sylvanès) dans le cadre du 46e festival.

BILLETTERIE CONCERT DU 13 AOÛT 

PROGRAMME & DÉROULEMENT DU STAGE

Nicole, pour toujours dans nos cœurs

Un bien cruel début de printemps à l’abbaye… Notre chère amie Nicole nous a quittés dans la nuit du 22 mars, nous laissant tous dans une profonde tristesse. Investie depuis de nombreuses années dans l’aventure de l’abbaye, elle avait choisi, il y a peu, de s’installer en sud-Aveyron auprès de son frère Michel Wolkowitski.

Ce dernier lui a rendu un vibrant et émouvant hommage lors de ses obsèques le lundi 27 mars en l’abbatiale de Sylvanès :

« Nicole, ma chère Nicole, ma Sœur !
Nous voilà tous réunis pour un dernier adieu. L’ émotion est immense.
C’est avec la douceur du  printemps que tu t’es envolée vers les grands espaces,  dans un ultime voyage, vers ta demeure d’éternité où tu vas désormais reposer. […]

Depuis plusieurs années tu avais repris le chemin de Sylvanès. Ici tu as retrouvé une joie de vivre, une sérénité profonde après des années d’épreuves et de solitude affective. Tu redonnais du sens à ta vie, dans l’amitié et le service des lieux.
Les longs séjours que tu as fait chez moi avant de t’installer à Camarès nous ont donné l’occasion de mieux nous connaître, de partager nos lectures, nos questionnements sur la vie, nos soucis, nos doutes et  parler de cette foi qui nous habitait. Nous aimions aussi évoquer des souvenirs de familles, une belle façon de rendre bien présents tous nos chers disparus.

Comment ne pas te remercier, remerciements auxquels j’associe toute mon équipe pour ton engagement à l’abbaye,  bénévole et dévoué. Tu as su pleinement trouver ta place, prendre des responsabilités, tenir tes engagements.
Accueillir les visiteurs, les stagiaires, les artistes et les festivaliers avec grâce et sourire, sans compter ton temps,  si bien que parfois je t’interdisais de venir pour que tu puisses de te reposer un peu.
Tu t’es refait un coin de vie à Camarès où, là aussi, tu inspiras beaucoup de sympathie dans le village.
A Sylvanès, tu avais pris ce lieu et ses occupants en amour. Ils te le rendaient bien.
Tu étais devenue la mamie dynamique de toute l’équipe partageant leurs soirées,  leurs rigolades,  le traditionnel apéritif à la terrasse du café les soirs d’été.
Je sais combien leurs cœurs sont aujourd’hui, attristés.

J’ai été particulièrement impressionné et ému par les centaines de témoignages que nous avons reçu sur les réseaux sociaux, venant même du Liban et de l’Inde ! Tous évoquaient ta gentillesse, ton élégance, ta discrétion, ton sens de l’accueil, ton sourire lumineux et joyeux, l’écoute que tu avais pour certains.

Tu vas laisser un grand vide ! Tu vas nous manquer, tu vas me manquer.
La vie va reprendre son cours avec cette douloureuse présence de l’absence qui se fera chaque jour plus mystérieuse.
Tu ne seras jamais plus où tu étais mais tu seras toujours là où nous serons, bien vivante dans le cœur et les pensées de ceux qui t’aiment.
Quand la tristesse se sera adoucie, seuls les beaux souvenirs demeureront, comme de douces sensations de ces moments de bonheur partagés.

Nicole et Michel – 25 juillet 2021 – Abbaye de Sylvanès

Va tranquille et en paix !

Respire et savoure le grand air de l’éternité.

Ton empreinte est posée !

Tu as marqué ces lieux !

Repose en paix en cette terre de Sylvanès auprès des tiens qui t’ont précédée.

Enracinée tu l’es et tu le resteras !

A jamais dans nos cœurs tu vivras. »

 

Michel Wolkowitsky, 27 mars 2023

 

Milena Jeliazkova, l’amour de la Bulgarie

Profondément attachée à l’abbaye, la chanteuse bulgare Milena Jeliazkova inaugurera la saison 2023 des stages de chant du Centre culturel de rencontre du 12 au 16 avril avec  un stage de chants traditionnels bulgares. Un autre suivra à l’automne du 18 au 22 octobre. Cette artiste aux talents multiples nous en dit plus sur les deux répertoires spécifiques qu’elle abordera cette année, sur sa passion de transmettre l’art bulgare et sur son tout premier roman…

 

• Ce sont deux stages inédits de chants traditionnels bulgares que tu proposes en avril et en octobre, peux-tu nous en dire plus sur ces répertoires ?
J’ai eu envie cette année de proposer deux thématiques bien spécifiques.
En avril (12 au 16), les chants bulgares de rituel seront à l’honneur. Ils sont liés de manière fonctionnelle à certaines coutumes et dépendent en grande partie directement du lien très fort du peuple bulgare avec la Nature. Ce sont des chants du calendrier, reliés depuis des siècles à un jour férié comme par exemple Noël, le Jour de Lazare, (fête orthodoxe : le samedi avant le dimanche des Rameaux), le jour de Enyo (jour du solstice d’été le 24 juin), etc. Il s’agit aussi en partie de chants de coutumes familiales, autrement dit de chants non liés à un jour précis du calendrier mais liés à certaines occasions comme un baptême, un mariage, ou un inhumation. J’accompagnerai l’apprentissage de chaque chant de l’explication du rituel ou de la coutume correspondant(e).

En octobre (18 au 22), je propose une promenade musicale dans la péninsule balkanique. Les chants où la part du Merveilleux est importante m’intéressent tout particulièrement. Carrefour des Civilisations et des Empires divers, terres pétries de mythes et légendes, les Balkans fascinent sans cesse l’imaginaire collectif occidental parce que les pays qui les composent véhiculent encore aujourd’hui des croyances païennes très anciennes. Ici se croisent et cohabitent des vampires et des dragons, des nymphes maléfiques et des ogres bienveillants ; Orphée, Drakula et Krali Marko (héros de guerre légendaire) y sont nés. J’aimerais que le temps s’arrête pendant ces quelques jours de stage… Qu’avec les stagiaires nous puissions nous extraire du temps humain, régi par la montre et la fuite toujours en avant, pour nous plonger dans un univers onirique d’antan, saisi dans une sorte d’éternité, à travers des chants traditionnels de Bulgarie, Macédoine, Grèce, Serbie, Croatie, Roumanie….

Une répétition du stage de polyphonies bulgares à la Chapelle russe de Sylvanès

• Quelle méthode privilégies-tu lors de tes stages ?
L’enseignement oral. Les danses traditionnelles aussi, pour mieux intégrer les rythmes. Transmettre oralement veut dire chanter inlassablement une mélodie jusqu’à ce qu’elle soit apprise, jusqu’à ce que l’élève entende jusqu’au plus petit intervalle, jusqu’à ce qu’il saisisse la plus infime subtilité de pulsation, de dialecte et de son. Cela l’oblige à rester vigilant à son état corporel et émotionnel, dans une posture d’ouverture sensorielle totale à son environnement, tandis qu’avec un apprentissage par partition le mental est seul le grand meneur du jeu.

• Ces stages sont ils ouverts à tous ? Quels sont les pré-requis souhaités pour y participer ?
Mes stages sont ouverts à toute personne qui aime chanter, qui a déjà une bonne expérience individuelle ou collective de chant, quel qu’il soit, une oreille bien développée, et une curiosité d’esprit et de cœur.

• Depuis quand encadres-tu des stages à Sylvanès ? Quelle est pour toi la particularité de ce lieu de transmission ?
J’ai la joie et l’honneur d’animer des stages à l’Abbaye de Sylvanès depuis 2016, une ou deux fois par an. J’aime transmettre particulièrement ici, car le lieu est pétri d’histoire, son âme vibre magnifiquement, puisque l’énergie est haute. Grâce à Michel Wolkowitsky et à son équipe, ce lieu vit de musiques, de danses, de livres, d’expositions de peintures et de sculptures, d’enseignements classique et du monde, d’art au sens large – les gens qui le fréquentent, que ce soit nous les artistes ou le public, y viennent pour se ressourcer, pour nourrir leurs âmes, pour s’élever. Ici, dans cet écrin, je ne transmets pas seulement les codes de la musique de mon pays, j’y transmets aussi son âme, et c’est toujours bien accueilli.

 

Milena Jeliazkova et ses stagiaires dans l’abbatiale de Sylvanès

• Tu es chanteuse, enseignante, coach artistique, peintre… et nouvelle corde à ton arc, tu as récemment écrit ton premier roman. On dit en général que le premier roman d’un auteur est très autobiographique. Dans « la Bulgare » paru le 30 déc. 2022 chez Hello Editions, est-ce qu’il y a une part personnelle cachée ?
Merci d’en parler ! Je suis auteure depuis peu et il m’a fallu beaucoup d’années pour me décider à me jeter dans l’aventure littéraire. « La Bulgare » est mon premier roman, dans lequel j’exprime tout mon amour pour la Bulgarie, petit pays aujourd’hui, mais grand Royaume jadis. A travers les divers personnages j’aborde différentes facettes – l’histoire, l’ethnographie, la musique, la littérature, les mythes et légendes bulgares… Le tout, dans une intrigue policière en plein été, au bord de la mer Noire. Pour qu’un récit soit vivant, il faut le nourrir d’anecdotes personnelles, de petites touches de choses réellement vécues, mais cela reste un roman – une fiction. « La Bulgare » n’est pas une autobiographie, mais une invitation au voyage à la fois en Bulgarie, mais aussi au plus intime en soi.

Toute l’actualité de Milena Jeliazkova sur :  milenajeliazkova.com

Rencontre avec la soprano Delphine Mégret

Elle est aveyronnaise, talentueuse et fut incontestablement l’« artiste vedette » de la saison 2022 de l’abbaye avec pas moins de sept projets de résidences et de concerts. Elle nous parle de son attachement à Sylvanès et aux belles rencontres faites en ce lieu…

Tu as étudié à la très réputée Guildhall School of Music and Drama de Londres. Que retires-tu de cette expérience ?
Beaucoup de choses, magiques mais éprouvantes à la fois. C’est très dur d’être dans un lieu si exigeant où la compétitivité et la recherche d’excellence étouffent parfois la passion simple d’aimer chanter. Ça forge pour le métier, ça c’est sûr !
On devait apprendre énormément de musique, sans pour autant délaisser tous les autres aspects du métier (langues, théâtre, danse, culture musicale, esprit critique, travail de groupe, savoir collaborer, créer, transmettre…); travailler avec des personnalités très différentes, savoir recevoir leurs conseils, les critiques, parfois décourageantes, faire avec, garder la tête froide et ne surtout pas perdre notre identité artistique. Je dois beaucoup à Michel Wolkowitsky car il restait le pilier, la référence même pendant toutes ces années pour que je ne me perde pas vocalement ni personnellement. Avec du recul je pense avoir relevé le défi et j’en suis très fière !

Aujourd’hui, c’est un retour aux sources?
Oui, un retour aux sources. Après la vie londonienne j’avais besoin de retrouver mes racines – « partir pour mieux revenir ». Il me semblait plus facile de bâtir ma vie professionnelle en tant que chanteuse ici en France, cela me ressemblait. Je sentais aussi que Sylvanès allait m’apporter un socle, un levier de rencontres artistiques…

Que représente pour toi Sylvanès ?
C’est très étonnant d’avoir autant d’émotions pour un lieu. Sylvanès m’accompagne depuis toute petite – je m’y suis rendue la première fois à l’âge de 5 ans pour assister à la représentation de L’arche de Noé de Britten où jouait ma sœur Shani. J’y ai fait des rencontres incroyables, d’ami(e)s chèr(e)s, de grands artistes, des moments de partages avec des personnes de toutes origines, milieux et expériences diverses, c’est très enrichissant.

Des souvenirs marquants?
Beaucoup de premières fois qui restent gravées à vie, comme la première fois qu’on chante sur scène ou mon premier Requiem de Mozart dans l’immense abbatiale. Et tous ces concerts magnifiques qui m’ont inspirée et m’ont construite. Impossible de ne pas mentionner la rencontre la plus belle qui soit avec Michel Wolkowitsky, puisque tout cela est en grande partie grâce à lui : il m’a ouvert les portes de Sylvanès comme celles de ma maison.

Si tu devais choisir le projet mené avec Sylvanès qui t’a le plus marqué en 2022, lequel citerais-tu ?
Dur de choisir… mon coeur s’attarde tout de même sur le récital « Trois Poèmes Mystiques » auprès du compositeur, chef d’orchestre, pianiste Thierry Huillet et la violoniste concertiste Clara Cernat. C’est indescriptible d’avoir le privilège d’interpréter une musique composée pour l’occasion et de la façonner avec le compositeur et le pianiste lui-même ! J’ai eu l’honneur de rencontrer ces deux musiciens pour un récital tout aussi magique en 2020 autour de Debussy et du compositeur Raphaël Lucas. J’y avais ressenti une sorte d’apaisement artistique : tout ce que j’avais aspiré à vivre en tant que chanteuse avait abouti à Sylvanès ce soir là, tant ce concert était riche humainement et musicalement… alors remettre ça deux ans plus tard c’était the cherry on the cake !

Tu chantes du classique, du contemporain, de la comédie musicale… mais quel est ton répertoire de prédilection ?
J’ai cette démarche qui tend à diversifier les projets tant dans leur forme que dans leur contenu et je n’ai jamais cherché l’hyper-spécialisation, bien au contraire. Je crois de plus en plus que la voix peut s’adapter à tous les styles et répertoires tant qu’on la respecte et qu’on l’utilise avec les bons mécanismes. Comme l’enseigne Michel Wolkowitsky, il ne faut pas s’enfermer dans un son, une couleur, une seule façon d’utiliser sa voix mais au contraire garder ouvert le « chant » des possibles.

Mixer les styles musicaux, créer du lien entre eux : pourquoi est-ce important pour toi ?
Car le monde évolue et que c’est notre devoir en tant que musicien professionnel de garder l’esprit ouvert à ce qui se passe autour de nous. Le risque parfois d’être un interprète de musique du passé et de perpétuer sans cesse ce qui s’est déjà fait encore et encore peut enfermer cette musique et la figer. Le but de créer du lien n’est pas une lubie pour être à la mode en 2022 mais une nécessité qui se fait ressentir de toute part, car de nombreux artistes sont prêts aujourd’hui à se rassembler, collaborer, faire tomber les murs pleins de fausses croyances et de s’enrichir ensemble. Et c’est surtout à nous, les musiciens qui venons du classique de faire le premier pas. Mais ceci reste peut-être un point de vue très personnel… et parce que je n’ai pas envie de me sentir mise dans une case même si je suis incroyablement fière de faire vivre la musique classique et que c’est ce qui m’anime vocalement le plus bien sûr.

Représentation de « La Belle et le Loup », comédie musicale jeune public – Paloma juin22 © Stéphane Mathieu

 

Quel artiste t’a le plus inspirée ?
Dur… en plus j’aime surtout écouter tout ce qui n’est pas en rapport avec ce que je fais ou mon type de voix, du genre Cesaria Evora, Freddy Mercury, Wagner, Sarah Vaughan, Yseult ou des voix plutôt lyriques et graves comme Matthias Goerne. Mais bon, il y a tellement de sopranos que je ne peux qu’admirer comme Margaret Price, voix étonnante de finesse et de puissance, Patricia Petibon, Natalie Dessay tellement fascinante et bien sûr Maria Callas, qui était Carmen sur le seul CD d’opéra que j’avais à la maison quand j’étais petite… Ma première référence !

Quel autre métier aurais-tu pu faire ?
Je ne sais pas… mais j’ai toujours eu ce fantasme d’être écrivaine ou spéléologue, vraiment rien à voir !

Quelle partition emporterais-tu sur une île déserte ?
Sûrement le Requiem de Verdi pour ne surtout rien oublier de cette œuvre et pouvoir l’entendre dans ma tête, car ce n’est pas du tout pour mon type de voix par contre.

Quels conseils donnerais-tu à un(e) jeune qui souhaite devenir artiste lyrique ?
De foncer ! Si on est animé de quelque chose, il faut y aller et constamment travailler sur soi pour ne pas être guidé par la peur mais plutôt par notre lumière intérieure.

 

L’actualité de Delphine à suivre sur www.delphinemegret.com