Qui était Pons de Léras, fondateur de l’abbaye ?
Si vous êtes déjà venu à l’abbaye de Sylvanès, vous avez probablement entendu parler de Pons de Léras. Mais si, vous savez… Ce guerrier ayant vécu au début du XIIe siècle qui, soudain, par miracle, après moultes actes de pénitence, se trouve une vocation de moine. Cette histoire peut vous émouvoir, ou vous faire rire, selon votre sensibilité. Elle vous fait d’autant plus réagir qu’on la raconte souvent en lui ajoutant quelques légendes locales, qui grossissent autant les défauts que les qualités de Pons de Léras, faisant de lui un personnage haut en couleurs, un bandit de grand chemin trouvant le Salut en donnant sa vie à Dieu !
Pons de Léras, seigneur du Pas de l’Escalette
Le portrait dressé par le seul document ayant une valeur historique à ce sujet, la chronique de la fondation de l’abbaye de Sylvanès écrite par le frère Hugues, qui rédige une vingtaine d’années seulement après le décès de Pons, en se basant sur les témoignages de personnes l’ayant côtoyé, présente d’abord l’individu comme un seigneur châtelain finalement assez banal pour son époque. Quoi de plus normal en effet, dans le Sud-Ouest du Royaume de France, où petites et grandes seigneuries rejettent encore en grande partie l’autorité du roi et de l’Église, au profit de jeux de pouvoir incessants, qu’un homme d’arme possédant un château fort, comme Pons, se montre « importun à beaucoup de ses voisins » et use de « violence armée ». Également, dans un contexte où les autorités ecclésiastiques, poussées par la réforme grégorienne, assoient de plus en plus leur domination morale, notre homme ne pouvait que finir par se soumettre à « la crainte de Dieu ». Ils sont nombreux à avoir choisi, ou à s’être vu imposer, cette voie au XIIe siècle.
Le choix de Cîteaux
Ce qui rend son histoire exceptionnelle, et précieuse pour les historiens, c’est sa décision de rattacher l’ermitage, nouvellement fondé, à l’ordre de Cîteaux dans les années 1130. En effet les sources au sujet de cette méthode d’incorporation d’une communauté préexistante à l’Ordre sont assez rares, surtout pour cette période. De plus, comme le précise son chroniqueur, Pons de Léras préfère devenir simple frère convers en rejoignant les cisterciens. Est-ce une nouvelle marque d’humilité ? Ou une manière de ne pas être astreint à la rigueur de la Règle, en s’occupant plutôt du domaine de l’abbaye ? Probablement un peu des deux selon le consensus trouvé par les chercheurs. Un moyen de continuer d’utiliser ses compétences en matière de gestion de domaine et des ressources, dont on l’accusait d’abuser par le passé, non plus pour ses intérêts propres, mais pour le bien d’une communauté monastique, d’un ordre religieux et, par extension, pour la gloire de Dieu.
Un ordre attractif
C’est grâce à cette opportunité laissée à l’ensemble de la population de prendre l’habit religieux sans être contraint à une vie de réclusion, via ce statut particulier de convers, qui demande tout de même de prononcer ses vœux monastiques de pauvreté, d’obéissance et de chasteté, que l’ordre cistercien attire un grands nombre de vocations depuis toutes les classes sociales. De cette manière, l’Ordre bénéficie d’un large panel de savoir-faire, tant en matière de travail manuel que de gestion du territoire. L’histoire de Pons de Léras, racontée avec soin par le copiste Hugues Francigena, nous rappelle indirectement que cette originalité est la source du succès des Cisterciens en ce début de XIIe siècle. A l’inverse, au siècle suivant, la diminution du nombre de frères convers entraîne la perte d’influence de l’Ordre.