Le photographe Pulak Halder accueilli en résidence

C’est avec grand plaisir que nous avons accueilli, du 24 au 29 juin, le photographe indien Pulak Halder dans le cadre d’une résidence artistique organisée en collaboration avec l’Association des Centres Culturels de Rencontre. Sa présence à l’abbaye de Sylvanès constitue la dernière étape (après La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon et de l’Abbaye Royale de Fontevraud)  d’un voyage long d’un mois en France  !
Au cours de son séjour, Pulak Halder aura pu travailler plus en profondeur sur son projet intitulé « Painting with Camera » [Peindre avec un appareil photo]. Intimement convaincu que « rien n’est terne ou insignifiant pour nous si nous l’examinons dans toute sa complexité », l’artiste travaille autour de différentes techniques de macrophotographie pour faire surgir, au creux des vues les plus banales, des scènes dignes des plus grandes peintures impressionnistes.

Nous avons pu interrompre son travail pour une brève entrevue consacrée à son expérience en France.

Pouvez-vous nous présentez votre parcours artistique ? Comment en êtes-vous venu à la photographie ?
J’avais l’habitude par le passé de prendre des leçons de modelage d’argile et de peinture, donc c’est par ces activités que j’ai commencé. Elles étaient néanmoins très difficiles, c’est pourquoi j’ai choisi l’appareil photo pour poursuivre mon activité artistique. J’ai toujours été attiré par la nature : j’avais l’habitude de prendre des photographies des paysages de montagnes lorsque j’allais randonner. En Inde, les montagnes de l’Himalaya sont très belles. C’est ainsi que j’ai commencé.
Il existe un pan en photographie qui se concentre sur des photographies de petites fleurs, d’insectes…ce type de détails. Donc quand j’allais randonner, je me concentrais sur les petits insectes. Un jour, alors que j’essayais de faire le focus sur un insecte posé sur un tronc d’arbre, j’ai vu, à travers l’objectif de l’appareil photo, sur le tronc d’arbre et à côté de l’insecte, une belle forme humaine. J’ai donc essayé de me concentrer sur ça, délaissant l’insecte. Et peu à peu, j’ai essayé d’obtenir d’autres photographies comme celle-ci. Pas régulièrement, mais je recherchais ces détails, ces formes humaines… C’est devenu très populaire.

Mon travail fut exposé par l’ICCR [Indian Council for Cultural Relations] qui, lorsqu’il vit mes photographies, m’organisa une exposition personnelle. Ce fut une autre source de motivation pour moi.
Par la suite, à Santiniketan, dans l’Etat indien du Bengale-Occidental, dix de mes photographies ont été choisies par Prakriti Bhavan – l’unique galerie d’art nature du pays – pour être exposées à vie.

 

Comment est né le projet sur lequel vous travaillez actuellement, Painting with Camera ?
Durant la pandémie de covid19, quand je n’avais pas la possibilité de sortir de chez moi autant qu’auparavant, lorsque je voyais des choses ordinaires telles que les banales vues des rues, des murs…elles m’apparaissaient de manière différente. Au début, quand je prenais des photographies de ces choses-là, je ne visais pas ce type de résultat : je faisais de l’abstrait. Puis un jour, alors que je prenais une photographie abstraite, j’y ai vu un beau paysage – exactement comme la fois où j’avais trouvé un visage humain avec l’insecte. Je me suis senti tellement effrayé : comment est-ce possible ? Est-ce de mon fait ou le travail d’une autre personne ? C’est impossible ! C’était comme de la magie, comme un miracle.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience en résidence à travers la France ?
Avant toute chose, j’ai beaucoup aimé toute cette période de résidence. C’est la première fois que j’ai une telle opportunité. Quand je suis arrivé à Avignon, c’était une toute nouvelle expérience car l’église est immense. Je n’avais jamais vu ce type d’église en Inde. Et par le passé, quand je me rendais sur d’autres sites, j’y allais comme un touriste, sur les heures de visite. Mais là j’avais une totale liberté sur quand je venais et où j’allais. Je pouvais prendre les photos que j’aimais ; c’était vraiment intéressant pour moi.
Puis, après Avignon, je suis arrivé à Fontevraud. C’était un autre site immense, avec tant de choses à voir. Je suis allé à la bibliothèque et j’ai vu que de nombreuses personnes, d’autres photographes, avaient travaillé sur ce monument, que de nombreux travaux avaient déjà été faits et étaient consultables. Donc j’ai parcouru ces livres en tentant de comprendre ce que je pouvais faire.
Enfin, je suis arrivé ici. Le voyage en lui-même, les paysages, étaient très beaux. A Sylvanès, je me suis senti beaucoup plus comme à la maison. Les gens sont proches, vous êtes comme une famille. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être un étranger. Dans l’ensemble, mon expérience ici fut très positive.

Concernant votre travail ici à Sylvanès, êtes-vous satisfait par les photographies que vous avez pu prendre ? J’ai souvenir d’une discussion, dimanche dernier, au cours de laquelle vous me disiez que vous rencontriez des difficultés à prendre en photo la voûte de l’église.
Oui, c’est très intéressant : tout au long de ce voyage, à Avignon, Fontevraud et puis ici, les structures architecturales de base sont similaires. Mais ici, il y a vraiment quelque chose de différent. Je n’ai pas pu recourir à la même technique dont je me sers habituellement pour prendre des photographies d’architecture. Je n’ai pas pu l’appliquer à cette architecture-ci : c’est donc devenu un défi. Je prenais des photos mais je ne réussissais pas à retranscrire l’effet de ce que, physiquement, je voyais et appréciais. J’ai alors essayé quelque chose de différent et j’ai exploré. Mais le lieu est magnifique !

 

Exemple de travail réalisé  par Pulak à Sylvanès à partir d’un détail d’une fresque : un vrai tableau impressionniste  ! 

Enfin, quels sont vos projets pour le futur, une fois de retour en Inde ?
Je dois faire une sorte de petit livre et une exposition de mon travail en Inde – et peut-être aussi à Avignon. J’ai soumis mon travail au directeur de la Collection Lambert, une collection d’art contemporain que j’ai visitée à Avignon. Il était très impressionné, donc c’est possible. Il faut soumettre mon travail à un comité qui en débattra. Et si j’ai l’opportunité de le montrer dans d’autres lieux, je le ferai. Je cherche les opportunités.
En Inde, le samedi et le dimanche, je fais une pause et je prends des photos ; puis durant la semaine, je travaille. La photographie est un loisir ; officiellement, je travaille comme scientifique dans un laboratoire de recherche. C’est la première fois que je peux passer autant de jours successifs à faire de la photographie, à penser à toutes ces techniques… Je peux uniquement faire cela lors d’une résidence. Je suis donc très reconnaissant envers l’ACCR pour cette expérience différente.

Cette mobilité s’inscrit dans le programme de résidences Odyssée, porté par l’Association des Centres Culturels de Rencontre et soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication, qui permet depuis 2003 à divers artistes, chercheurs et professionnels de la culture étrangers d’effectuer des résidences dans des centres culturels de rencontre français. Prenant en charge le logement, les frais de voyage et octroyant une bourse à chaque lauréat, l’association des Centres Culturels de Rencontre leur offre ainsi un temps de travail privilégié dans des cadres patrimoniaux exceptionnels tout en promouvant l’échange interculturel entre professionnels français et étrangers.

 

Propos recueillis, traduits et retranscrits par Blandine Bousquet, stagiaire au service médiation

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