Elie Choufani, comédien libanais en résidence
Elie Choufani est un acteur libanais qui a travaillé sur plusieurs séries télévisées, pièces de théâtre, films et courts métrages primés. Elie a suivi sa formation d’acteur à l’Actors Workshop Beirut (AWB) sous la direction de Jacques Maroun et a participé à plusieurs ateliers de théâtre, à Beyrouth et à Los Angeles, notamment avec la metteure en scène et voix primée Susan Worsfold et le réalisateur et professeur de théâtre David Strasberg.
Il a été accueilli à l’Abbaye de Sylvanès du 15 au 22 août dans le cadre d’une résidence artistique au travers du programme NAFAS coordonné par l’ACCR ( mis en place afin de répondre à la crise culturelle qui frappe le Liban).
Qu’est-ce qui vous a amené à Sylvanès ?
Lorsque j’ai postulé au programme NAFAS de l’ACCR en 2021, c’était presque un coup d’épée dans l’eau ; je n’avais aucune attente quant à l’expérience, les centres d’accueil ou si je serais accepté…. Tout ce que je savais, c’est que je voulais apprendre et travailler ma voix.
Avec un objectif bien précis donc ?
En effet, lors de mon parcours de formation d’acteur, j’ai été amené à découvrir des écoles de travail de la voix (notamment auprès de Tarek Annish puis de Nadine George).
Ces ateliers m’ont appris que la source de la voix est le corps entier et pas seulement les cordes vocales, la gorge ou la poitrine ; La voix est une énergie reliée à la respiration. J’ai appris à libérer mon souffle et ma voix et cela m’a été très utile dans ma carrière d’acteur, car cette nouvelle voix libre m’a aidé à atteindre des nuances émotionnelles intéressantes et uniques.
L’objectif de cette résidence à l’Abbaye de Sylvanès était donc d’approfondir ces recherches sur la voix et de développer une méthodologie utile à la préparation et à la performance de l’acteur.
Quel était votre le programme vocal à l’abbaye?
Michel Wolkowitski, le directeur du centre culturel et du festival, également pédagogue de la voix a dirigé ma formation tout au long de mon séjour et a été un hôte formidable.
J’ai travaillé avec Michel quotidiennement, en me concentrant le déroulé d’une séquence complète à effectuer avant tout entraînement ou représentation vocale ou théâtrale. Michel m’a expliqué les bases de la technique Alexander (étirements, respiration et compréhension des cinq « charnières » du corps) puis des techniques d’échauffement respiratoire. Ce que j’ai appris, c’est que l’état de relaxation atteint après l’échauffement et la respiration doit être associé à une posture forte et « soutenue » afin de libérer la voix.
Cette séance était généralement suivie d’un travail vocal guidé au piano et d’une pratique du chant ou du monologue. Le travail sur le ton de la voix m’a également fasciné.
De nouvelles notions qui ont mûri au cours de votre résidence ?
Oui, tout à fait. J’ai senti que je progressais dans ce domaine de la voix. J’ai par exemple appris de mon travail sur le ton de la voix qu’il y a quelque chose de très intéressant pour un acteur d’atteindre les tons précis du chant ; cela crée en quelque sorte un sentiment de fraîcheur et de légèreté. J’ai également été étonné de voir l’effet de ce travail vocal sur mon articulation qui ne me satisfaisait pas toujours. Après ces exercices, mon articulation semblait être plus claire et plus vivante.
Avez-vous pu également profiter des concerts du festival ?
Oui, j’ai eu la chance d’assister à plusieurs concerts dans le cadre du 45e Festival de l’Abbaye de Sylvanès. J’ai été témoin de la beauté et de la puissance de la voix de différents styles musicaux. En assistant aux concerts et en écoutant les voix des chanteurs, du chœur, le son des instruments et en regardant les visages des spectateurs, j’ai réalisé que la beauté de la voix humaine est capable de créer une sensibilité chez son public. Et pendant toute la durée de la résidence, le mot qui n’a pas quitté ma tête était « sensibilité ».
Une « sensibilité » qui vous a touché ?
En effet, à Sylvanès, elle est présente partout : j’ai commencé à la remarquer dans la voix des artistes, dans leurs expressions faciales, dans le comportement des personnes, dans la nature environnante, dans les murs et les pièces de l’Abbaye.
Et je me suis dit que c’était ce dont mon pays avait besoin, plus de sensibilité. Avec tous les problèmes politiques et économiques auxquels le Liban est actuellement confronté, je m’inquiète personnellement de la perte de l’esprit sensible des Libanais. Je pense que plus le pays est confronté à des difficultés, moins les gens ont envie d’assister à des concerts, à des pièces de théâtre … et moins ils sont sensibles.
Un dernier mot sur votre séjour à Sylvanès ?
Le séjour à Sylvanès a été en soi une expérience inspirante. L’architecture de l’abbaye, et la beauté de la nature environnante ont un effet calmant et relaxant qui aide l’artiste à mieux se ressourcer intérieurement.
Les personnes fréquentant Sylvanès, y compris l’équipe, les professeurs, les artistes, les invités et les étudiants ont été très accueillants et d’un grand soutien. Michel Wolkowitski a partagé avec moi de nombreuses informations sur son parcours de vie avec la voix et le théâtre, l’histoire de l’Abbaye et son festival et a eu la gentillesse de me montrer un aperçu de quelques autres sites patrimoniaux de l’Aveyron.
Personnellement, je lui suis très reconnaissant pour cette magnifique expérience et garde en mémoire ses précieux conseils : pour rester sensible, toujours écouter et chercher l’énergie de la voix de l’intérieur.
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