Confinement#2, la parole aux artistes

Ils sont artistes et se sont produits cet été dans le cadre du Festival de l’Abbaye. Ils ont accepté de livrer leur ressenti sur ce deuxième confinement et cette période cruelle pour le secteur du spectacle vivant !

Raphaël Vuillard de l’Ensemble Bab Assalam

 

Extrait d’une lettre de Bab Assalam intitulée « Spectacle dans le brouillard d’esprit » adressée aux professionnels du secteur  : « Bab Assalam est en état de sidération, devant la situation catastrophique du monde, de la France, des institutions et plus particulièrement de la Culture. Tout ce pourquoi nous luttons depuis des années est anéanti ou risque de l’être. Mes amis, musiciens Syriens avec qui nous avons créé Bab Assalam ont du fuir leur pays, face à la dictature, au péril de leur vie et sont venus me retrouver en France espérant des jours meilleurs. Aujourd’hui, nous sommes encore loin de l’état syrien, mais le bruit des bottes se rapproche dangereusement, nos libertés sont bafouées chaque jour un peu plus et la culture est dans le viseur de l’état. Nous nous plions aux directives sanitaires, au couvre feu, aux confinements, à l’arrêt total de nos professions, bien sûr nous avons l’année blanche et l’activité partielle…
Jusqu’où pourrons nous tenir?
Penser et imaginer une nouvelle création… comment, pourquoi, pour qui?

[…] 

Des reports, des agendas rocambolesques, nous venons même de bloquer 3 dates pour un concert sur 3 mois différents… pour être sûr, au cas où…
Alors oui, cela suffit !
Nous ne ferons pas de nouvelle création pour le moment.


Notre Derviche n’a pas suffisamment « tourné », il est d’actualité,  il est sensible jusqu’à la folie, alors oui nous avons l’audace de croire qu’il pourra continuer son chemin de Derviche errant, comme Chams de Tabriz emmena Al Rûmî dans son rêve.

Ô soleil de Tabriz ! J’étais neige, à tes rayons je fondis, la terre me but.
Brouillard d’esprit, je remonte vers le soleil.
Al Rûmî

 

Thierry Huillet

Après avoir vécu le premier confinement comme une expérience intéressante, proche de l’exil volontaire et introspectif sur une île déserte ou sur les hauteurs himalayennes, je dois avouer que j’accueille le deuxième comme une redite un peu lancinante et assez lassante. Ma crainte est que cette accoutumance à une forme de déshumanisation ne devienne la norme et que nous finissions par ne plus être gênés de ne voir que la moitié des expressions de nos interlocuteurs. Je me dis également que les privations de nos libertés et de nos envies sont tout de même modérées en comparaison de situations de guerres ou de longues dictatures et que la patience aura raison des désagréments actuels. Bref, ne nous habituons pas, n’acceptons pas, mais ne dramatisons pas!

Clara Cernat 

Je suis partagée. Je pense qu’arrêter toute une ville culturelle est brutal et avec des répercussions sur le moral des gens qui ne peuvent pas vivre sans culture en live (Théâtre, Concerts…). Actuellement tout se discute en chiffres, jamais en qualité de vie que le monde abandonne de façon forcée.  Je me soumets de façon disciplinée à ces décisions que je n’approuve pas.

 

Diana Baroni

Ce nouveau confinement me désole. Je vois notre société engloutie par la panique et la terreur; la répression dans les rues me rappelle la dictature de mon enfance chez moi, à Rosario, en Argentine. Ma plus grande désolation c’est l’ignorance et la confusion à laquelle cette pandémie nous condamne. Le pire des risques dans une société c’est l’anéantissement et la perte de perspective dans un regard large. Je ne supporte plus les mensonges et la manipulation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.

 

Jean Tubéry, pour l’ensemble La Fenice

Ce nouveau confinement est bien sûr la pire des rechutes pour nous, face à ce virus contagieux qu’est l’angoisse devant la pandémie… L’art n’est pas une « première nécessité » dans notre société : nous le savions déjà ! Les livres et les fleurs non plus… et c’est tout aussi grave sinon davantage, pour les artistes et les poètes que nous sommes, et que chacun d’entre nous recèle en soi.

Face à cette dictature de la raison sur la passion, notre seul recours est de créer, ou de re-créer : entre musiciens, danseurs, gens de théâtre… artistes de tous horizons, loin hélas de notre public qui reste notre raison d’être d’êtres vivants, qui communiquons auprès de notre prochain.

C’est pourquoi nous venons d’enregistrer à la cité de la voix de Vézelay notre programme des Misteri Gloriosi (musique du Rosaire dans l’Italie baroque), avec les jeunes musiciens de notre nouvel ensemble La Fenice aVenire.

Deuxième confinement : du point de vue des artistes…

La crise sanitaire en cours affecte en profondeur le milieu culturel et le spectacle vivant en particulier. Nous avons demandé à nos artistes comment ils vivaient ce nouveau confinement… Milena Jeliazkova, François Lazarevich, Lydia Mayo, Pascal Caumont, Delphine Mégret se sont confiés.

Milena Jeliazkova

Malgré les incertitudes et le stress, je refuse de perdre l’espoir et d’imaginer ne serait-ce qu’un instant qu’un monde d’humains sans culture – fêtes, musiques, danses, cirques, théâtre, expositions d’objets d’art – puisse exister. Donc, optimiste invétérée je suis, mais avec des moments de découragement tout de même.

François Lazarevich 
Ce deuxième confinement, malgré sa relative « souplesse » par rapport au premier, a un goût bien plus amer. L’effet qu’il produit sur le psychisme du pays, d’une part et son économie (notamment celle de nos structures culturelles si fragiles) d’autre part est bien plus palpable.
Bien sûr je suis très soucieux de notre avenir ; celui de la pratique artistique professionnelle et amateur, de mes élèves, de notre société… Les séquelles risquent d’être profondes, malheureusement. Je prie pour que nous retrouvions la confiance, le sourire, la joie de se réunir (nous avons besoin de cette énergie du groupe), la liberté de bouger et d’entreprendre !

 

Lydia Mayo

A t- on le choix ? non… alors la meilleure manière de le vivre est déjà de l’accepter et de traverser cette période bien étrange et sans précédent. Pour ma part, j’étais en production à l’opéra d’Avignon pour une création « Le Messie du peuple chauve d’Augustin Billetdoux », alors encore une chance de pouvoir chanter sur scène malgré la salle vide : la direction a décidé de l’enregistrer via You tube et le spectacle a été diffusé en direct le 20 novembre.
Pour la suite, je ne sais pas encore mais j’espère que cela va vite évoluer dans une direction optimiste. Que nous puissions à nouveau gouter à notre liberté d’aller où bon nous semble !

 

Pascal Caumont : c’est un vrai coup dur tant pour les stages que pour les concerts : Vox Bigerri a dû annuler ses concerts à Paris, Toulouse, Bordeaux, prévus pour le lancement de notre 7° disque, « Jorn ».

« Jorn » annonce un jour nouveau, une période plus solidaire et coopérative, respectueuse des liens entre l’homme et la nature. Il faudra être patients…

 

Delphine Mégret
Je l’accepte beaucoup moins bien que la première fois avec un sentiment d’injustice. Je sais que la culture va souffrir terriblement de tout ce qui se passe actuellement et que nos métiers sont en périls.
Cependant, ce bouleversement peut être un mal pour un bien avec une remise au point de toute notre société, comme une renaissance.
J’essaie alors d’être positive et de me dire que l’on ne baissera pas les bras, que l’homme est plein de ressource !
Rester positive : mantra du deuxième confinement !

 

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