L’esprit des steppes a plané sur l’Abbaye
Le dimanche 20 juillet au soir, dans le cadre du 48e Festival, un spectacle d’une intensité émotionnelle rare a résonné entre les murs de l’église. Ce soir-là, le public s’est laissé emporter dans un voyage sensoriel entre deux cultures désormais unies. Le duo Yidjam a fait vibrer des instruments millénaires, porteurs d’une histoire profonde, avec une harmonie saisissante.
Dès les premières notes, une énergie fébrile s’est installée. L’évocation du cheval, figure emblématique de leurs terres lointaines, surgissait dans les sons puissants du morin khuur, la célèbre vièle mongole à tête équine, et dans le chant diphonique de Dalaïjargal Daansuren, à la fois guttural et aérien, capable de produire deux notes simultanées. Cette technique vocale ancestrale, enracinée dans les traditions chamaniques, évoque les forces de la nature et transporte l’auditeur au cœur des vastes steppes de Mongolie.
À ses côtés, Jiang Nan faisait résonner les vingt et une cordes du guzheng, grande cithare chinoise au timbre cristallin, héritière d’une tradition vieille de plus de deux mille ans. Sa voix, aussi puissante que celle de son partenaire mais fluide comme le vent glissant sur les plaines, lui répondait avec justesse, tissant un contrepoint subtil et apaisant au chant diphonique. Ses doigts couraient avec précision sur l’instrument, alliant grâce et intensité, modulant chaque note grâce aux chevalets mobiles et aux techniques complexes de pincement. Le guzheng, tour à tour subtile ou percussif, évoquait les murmures d’un ruisseau ou les grondements d’une tempête. Il écrivait des récits, peignait des paysages de rivières et de montagnes, en écho au souffle brut du morin khuur, tissant un dialogue ancestral entre les steppes mongoles et chinoises.
Oscillant entre musiques traditionnelles et arrangements revisités, le duo a révélé une synergie rare et profonde, jouant sans partitions, guidé uniquement par la confiance mutuelle et de subtils échanges de regards. Porté par des musiques inspirées de la nature, des esprits et des chants d’amour, l’espace sacré de l’église s’est métamorphosé le temps d’une soirée en une contrée lointaine et envoûtante.
La connexion quasi mystique entre la Mongolie et la Chine n’en était pas moins ponctuée d’humour et d’échanges chaleureux avec le public. Entre plaisanteries complices et initiation au chant diphonique, l’auditoire s’est laissé emporter, conquis, jusqu’à offrir au duo une ovation debout amplement méritée.
Qui sait, peut-être que l’un des spectateurs est même reparti avec une nouvelle technique vocale en poche ?
Alannah Santos de Almeida